Le nom du chrome provient du grec khrỗma signifiant couleur qui fait référence aux nombreux composés colorés du chrome. En 1761, Johann Gottlob Lehmann découvre un minéral rouge-orangé dans les montagnes de l’Oural qu’il nomme crocoïte. En 1797, Louis Nicolas Vauquelin utilise des échantillons de ce minéral pour en extraire de l’oxyde de chrome. Il isola l’élément pur en 1798.
La découverte de la première utilisation du chrome a été faite en analysant des flèches, sans aucun signe de corrosion, datant du IIIe siècle avant Jésus Christ trouvées dans le Mausolée de l’empereur Qin Shi Huang, fondateur de la dynastie Qin, en Chine.
Numéro atomique | Masse atomique | Configuration électronique | Structure cristalline | Rayon métallique pour la coordinence 12 |
24 | 52,00 g.mol-1 | [Ar] 3d5 4s1 | cubique centrée de paramètre a = 0,288 nm | 136,0 pm |
Masse volumique | Dureté | Température de fusion | Température d’ébullition | Conductibilité électrique | Conductibilité thermique | Solubilité dans l’eau |
7,20 g.cm-3 | 7,5 | 1 857°C | 2 672°C | 7,74.106 S.m-1 | 93,7 W.m-1.K-1 | insoluble |
Électronégativité de Pauling |
pKa : HCrO4–/CrO42-aq |
pKa : Craq3+/CrOH2+aq |
pKa : HCr2O7–/Cr2O72- | pKs : Cr(OH)2 | pKs : Cr(OH)3 |
1,66 | 6,5 | 3,9 | 0 | 17,0 | 30 |
Potentiels standards :
Cr3+ + e = Cr2+ | E°= -0,41 V |
Cr2O72- + 14H+ + 6e = 2Cr3+ + 7H2O | E° = 1,33 V |
HCrO4– + 7H+ + 3e = Cr3+ + 4H2O | E° = 1,20 V |
CrO42- + 4H2O + 3e = Cr(OH)3(s) + 5OH– | E° = -0,13 V |
Cr3+ + 3e = Cr(s) | E°= -0,74 V |
Cr2+ + 2e = Cr(s) | E°= -0,86 V |
Chrome cristallisé
|
Chrome gazeux
|
La teneur moyenne de l’écorce terrestre est de 400 ppm.
La chromite, FeCr2O4, qui possède une structure spinelle (MgAl2O4) dans laquelle les ions Mg2+ sont partiellement substitués par des ions Fe2+ et les ions Al3+ partiellement substitués par des ions Fe3+ et Cr3+ pour donner une formule du type : (Mg2+,Fe2+)(Al3+,Fe3+,Cr3+)2O4.
Les minerais sont enrichis, en général, par gravimétrie à l’aide de spirales ou de tables à secousses.
En Afrique du Sud, le gisement géant stratiforme du Bushveld s’étend sur 66 000 km2. Il est formé de couches peu épaisses, de moins de 1,5 m de minerai sur une épaisseur totale de 5 000 m et constitue, avec 3,1 milliards de t de minerai, les réserves les plus importantes au monde. Le Complexe du Bushveld est constitué de 3 lobes (ouest, nord et est) d’où provient toute la production minière de chrome, vanadium et platinoïdes d’Afrique du Sud. Le lobe ouest, le plus important, est situé au nord-ouest de Pretoria. L’une des couches de chromite, dénommée UG2 a la particularité d’être riche en platinoïdes. En conséquence elle est exploitée pour produire ces derniers, la chromite constituant un co-produit récupéré lors d’opérations de flottation qui séparent les platinoïdes, associés à des sulfures, de la chromite constituant la gangue (voir le chapitre platinoïdes). En 2018, la coproduction de chromite dans la couche UG2 représente 30 % de la production sud-africaine.
Carte du complexe du Bushveld publiée sur le site du Lycée de Bois d’Olive à La Réunion que nous remercions.
En 2019, la production mondiale était de 34,3 millions de t de chromite, alors que pour l’Union européenne (Finlande) elle était de 1,19 million de t.
Afrique du Sud | 20 000 |
Albanie, en 2018 |
1 143 |
|
Kazakhstan | 4 780 |
Zimbabwe | 870 | |
Inde | 4 060 |
Oman, en 2018 | 688 | |
Finlande | 1 190 | Russie, en 2018 | 507 | |
Turquie | 1 090 |
Brésil, en 2018 | 500 |
Source : IMFA et BGS
Les ressources en chromite de la Chine sont très faibles, avec en 2018, une production de 30 000 t.
En Afrique du Sud, toutes les sociétés minières exploitent le Complexe du Bushveld dans des mines ou récupèrent la chromite présente dans les terrils résultant de l’extraction des platinoïdes de la couche UG2. On estime, en 2017, qu’un quart de la production d’Afrique du Sud provient de l’exploitation de ces terrils.
Les exportations représentaient, en 2019, un total de 19,466 millions de t de minerais et concentrés.
Afrique du Sud | 14 860 | Pakistan | 335 | |
Turquie | 1 316 | Albanie | 306 | |
Kazakhstan | 699 | Pays Bas | 132 | |
Oman | 593 | Papouasie | 131 | |
Zimbabwe | 581 | Iran | 122 |
Source : ITC
Les exportations de l’Afrique du Sud sont destinées à 55 % à la Chine.
Les importations représentaient, en 2019, un total de 18,212 millions de t de minerais et concentrés.
Chine | 15 921 | Allemagne | 151 | |
Russie | 903 | Inde | 134 | |
Indonésie | 445 | Japon | 56 | |
Turquie | 177 | Belgique | 46 | |
États-Unis | 152 | Autriche | 27 |
Source : ITC
Les importations de la Chine proviennent à 79 % d’Afrique du Sud, 6 % de Turquie, 4 % du Zimbabwe, 4 % d’Oman.
Elles étaient estimées, en 2019, à 570 millions de tonnes de chromite :
Kazakhstan | 230 000 | Inde | 100 000 | |
Afrique du Sud | 200 000 | Turquie | 26 000 |
Source : USGS
Utilisations de la chromite : en 2017.
Sidérurgie | 90 % | Fonderie | 2 % | |
Chimie | 5 % | Réfractaires | 1 % |
Source : Roskill
La chromite est principalement transformée en ferrochromes. La transformation en chrome ne concerne qu’une très faible part de l’utilisation de la chromite.
Ils contiennent de 50 à 65 % de chrome et sont élaborés par réduction au four électrique à arc, en présence de coke. La consommation électrique est comprise entre 2 900 et 4 100 kWh/t de ferrochrome.
Ils se distinguent principalement par leur teneur en carbone.
Le ferrochrome carburé et la charge chrome représentent, en 2014, 94 % de la production mondiale de ferrochrome.
En 2019, la production mondiale de ferrochrome s’élevait à 14,73 millions de t.
L’Union européenne (Finlande, Suède, Allemagne) en produisait, en 2018, 620 000 t.
Chine | 6 580 | Finlande |
510 | |
Afrique du Sud | 4 780 | Russie, en 2018 |
332 | |
Kazakhstan | 1 600 | Zimbabwe, en 2018 | 316 | |
Inde | 1 280 | Brésil, en 2018 | 175 |
Sources : IMFA et BGS
La Chine est devenue premier producteur mondial de ferrochrome en 2012. De plus, en 2018, la Chine a importé 2,432 millions de t de ferrochrome possédant une teneur en carbone supérieure à 4 % dont 1,381 million de t d’Afrique du Sud. La production est principalement réalisée en Mongolie Intérieure avec, en 2018, 2,82 millions de t soit 53 % de la production totale du pays.
La production d’Afrique du Sud, qui pourrait être plus importante, souffre de difficultés d’approvisionnement en énergie électrique. En 2018, les exportations de l’Afrique du Sud ont été de 3,657 millions de t de ferrochrome possédant une teneur en carbone supérieure à 4 %.
En 2016, la production mondiale de charge-chrome est de 7,560 millions de t, celle de ferrochrome HC, de 3,552 millions de t.
Les principaux producteurs mondiaux sont, en 2019, les suivants :
Glencore-Merafe (Afrique du Sud) | 1 438 | Tianjin Metallurgy (Chine), en 2014 |
400 | |
ERG (Kazakhstan, Russie), en 2014 | 1 200 | EHUI Metallurgy (Chine) |
400 | |
Samancor (Afrique du Sud), en 2014 |
1 150 | Yildirim (Turquie, Russie, Suède) | 262 | |
Outokumpu (Finlande) |
505 |
Source : Merafe et rapports des sociétés
Fabriqué par aluminothermie à partir d’oxyde de chrome (procédé employé en Chine, France, Russie et Royaume Uni et couvrant 70 % des besoins) ou par électrolyse à partir de ferrochrome (procédé utilisé en Russie et couvrant 30 % des besoins).
Par aluminothermie, la réaction mise en jeu est la suivante :
Cr2O3 + 2 Al = 2 Cr + Al2O3
L’oxyde de chrome doit être chimiquement pur. La réaction bien que fortement exothermique, n’apporte pas suffisamment d’énergie pour que les produits formés, réfractaires, se séparent correctement, par décantation, à l’état liquide. Pour élever la température, une partie de Cr2O3 est remplacée par un composé de degré d’oxydation plus élevé (CrO3 ou mieux, contenant des ions Cr2O72-). De 10 à 15 t de produit sont traitées à chaque opération.
Au laboratoire, le chrome peut être préparé par aluminothermie dans des conditions proches de celles utilisées industriellement en prenant un mélange de 60 g de dichromate de potassium et de 200 g d’oxyde de chrome (Cr2O3) pour 90 g d’aluminium (de granulométrie < 200 micromètres), introduit dans un creuset en alumine. Cette préparation nécessite de prendre des précautions face aux projections incandescentes et au risque toxique des poussières de chrome VI.
Le chrome obtenu par aluminothermie, malgré sa pureté élevée (99,5 à 99,8 %) n’est pas malléable même à 900°C. Il faut le purifier à l’aide de procédés tels que la méthode Van Arkel ou la fusion de zone pour obtenir du chrome laminable à 50-80 % vers 500°C. Dans ce cas, la transition ductile-fragile (fonction de la pureté) peut être proche de la température ambiante.
En 2017, la capacité de production mondiale de chrome métal était de 57 000 t/an et de 21 000 t/an pour l’Union européenne.
Russie | 19 | Royaume Uni | 8 | |
Chine | 16 | Japon | 1 | |
France | 12 | Allemagne | 1 |
Source : USGS
Les importations des États-Unis, ont été, en 2017, de 14 500 t.
Producteurs :
Le principal produit chimique élaboré est le dichromate de sodium Na2Cr2O7. Sa fabrication est effectuée dans un four tournant, vers 1 000°C, à partir d’un mélange de chromite et de carbonate de sodium qui donne du chromate de sodium selon la réaction :
2 Cr2O3 + 4 Na2CO3 + 3 O2 = 4 Na2CrO4 + 4 CO2
Le chromate de sodium soluble dans l’eau chaude donne, par acidification à l’aide d’acide sulfurique, du dichromate qui est cristallisé ensuite sous forme dihydratée.
Les différents autres composés chimiques du chrome (dichromates d’ammonium ou de potassium, oxydes, sulfate, acide chromique…) sont obtenus à partir du dichromate de sodium.
En 2017, la capacité mondiale de production s’élevait à 334 000 t/an de chrome contenu dans des produits chimiques.
Chine | 113 | Turquie | 28 | |
États-Unis | 42 | Afrique du Sud | 18 | |
Kazakhstan | 38 | Argentine | 12 | |
Russie | 31 | Pologne | 7 | |
Inde | 30 | Italie | 5 |
Source : USGS
En 2012, la production mondiale de dichromate de sodium était de 700 000 t.
Les principaux producteurs sont :
Le chrome contenu dans les aciers inoxydables est recyclé lors du recyclage de ces matériaux. De même pour le chrome contenu dans les aciers courants. Le taux de recyclage du chrome, dans le monde, est estimé à 38 %. Ce taux était de 29 %, en 2019, aux États Unis, avec un recyclage de 140 000 t de chrome.
En France, la société Befesa Valera traite, à Gravelines (59), dans 2 fours à arc immergé, des poussières d’aciéries inoxydables et des déchets d’aciers inoxydables afin de récupérer le nickel et le chrome contenu, avec une capacité de traitement de 120 000 t/an d’acier inoxydable. Les déchets sont conditionnés sous forme de briquettes qui, additionnées de coke et de scorifiants sont introduites dans les fours d’où des coulées sont effectuées plusieurs fois par jour. Ce groupe possède également une usine du même type à Landskrona, en Suède, avec une capacité de traitement de 65 000 t/an d’acier inoxydable.
En 2019.
En 2019, il n’y a pas de production française. Une production, terminée en 1991, a eu lieu en Nouvelle Calédonie avec 60 000 t de minerai en 1989.
Pas de production en 2019.
Carburé et charge-chrome
Moyennement carburé
Bas carbone
Producteur :
Delachaux, à Marly-lez-Valenciennes (59), possède une capacité de la production 12 000 t/an. C’est le premier producteur européen de chrome métal par aluminothermie, le 3ème mondial. La production est à 90 % exportée.
Trioxyde de chrome
Dichromate de sodium
En 2015, la consommation mondiale de chromite a été de 29 millions de t.
En 2019, la consommation de ferrochrome a été de 13,7 millions de t répartie comme suit :
Les principaux secteurs utilisateurs, en 2018, dans le monde étaient les suivants :
Sidérurgie | 90 % | Fonderie | 2 % | |
Chimie | 5 % | Réfractaires | 1 % |
Source : Roskill
En sidérurgie, l’emploi dans les aciers inoxydables représente 77 % des utilisations, dans les aciers alliés : 19 %, dans les autres aciers : 4 %.
En fonderie, la chromite est employée comme « sable de moulage ».
Il est utilisé à 80 % pour l’élaboration d’aciers inoxydables, pour lesquels il est irremplaçable.
La répartition des utilisations en France est la suivante :
Superalliages | 52 % | Autres alliages | 10 % | |
Alliages d’aluminium | 12 % | Résistance électrique | 6 % | |
Soudage et revêtement | 12 % | Autres | 8 % |
Le principal composé chimique utilisé est le dichromate de sodium Na2Cr2O7, qui entre dans la composition des produits de protection du bois (en présence d’arsenic, voir ce chapitre), des colorants de textiles, dans la fabrication de pigments minéraux. Le dichromate de potassium K2Cr2O7 est utilisé en photographie argentique, pyrotechnie, gravure de lithographie, colorant de céramiques. Le dichromate d’ammonium (NH4)2Cr2O7 donne par calcination le dioxyde de chrome CrO2 pour bandes magnétiques vidéo et audio et est utilisé comme agent oxydant dans des synthèses organiques.
L’acide chromique CrO3 entre dans la fabrication de catalyseurs, de pigments minéraux, permet le mordançage des textiles, le chromage dur et décor.
Le sulfate de chrome Cr2SO4 est employé dans le tannage du cuir.
Le trioxyde de chrome Cr2O3 est utilisé pour élaborer le chrome métal, des produits réfractaires, des pigments.
Principaux secteurs d’utilisation des produits chimiques, en 2015, étaient :
Tannage du cuir | 27 % | Chromage | 19 % | |
Chrome métal | 22 % | Protection du bois | 9 % | |
Pigments | 19 % |
Source : ICDA
Chromage : on distingue le chrome décor du chrome dur.
Conditions de chromage : par électrolyse, vers 50-60°C, la pièce à revêtir étant placée à la cathode. L’anode est en alliage de Pb (7 % de Sb) et la densité de courant de 40 à 50 A/dm2. Composition du bain : CrO3 : 250 g/L, H2SO4 : 2,5 g/L, vitesse de dépôt : environ 40 micromètres/h.
D’après les fiches de l’INERIS et de l’INRS.
Les principaux composés courants du chrome présentant une toxicité élevée sont ceux des degrés d’oxydation III et VI. La voie de pénétration principale dans l’organisme est la voie respiratoire avec passage dans la circulation sanguine de 20 à 30 % du Cr (VI) inhalé. Ce taux est de 2 à 9 % par voie orale et de 1 à 4 % par voie cutanée. Les composés de chrome, oxydants puissants, ont une forte action corrosive se traduisant par des atrophies, ulcérations et perforations de la cloison nasale ainsi que par une diminution des fonctions pulmonaires et des pneumonies. Les composés de chrome VI plus solubles que les composés de chrome III sont plus facilement absorbés. Ils diffusent rapidement à travers les membranes et détruisent ainsi les cellules épithéliales.
Dans l’organisme, le chrome VI est réduit en chrome III, sa demie-vie étant de 15 à 41 h. Au cours de sa réduction des composés très réactifs, par exemple de chrome V, peuvent être produits. Toutefois, le Cr(III), à l’état de trace, est nécessaire à l’organisme humain, en particulier pour le métabolisme du cholestérol, des graisses et du glucose. Une carence en chrome induit des hyperglycémies et des hypercholestérolémies.
Par ailleurs, les composés de chrome III et VI sont mutagènes et cancérogènes (cancers du poumon). Après solubilisation dans l’organisme, un effet sensibilisant se traduit par de l’asthme ou des dermatites.
En milieu professionnel, la valeur moyenne limite d’exposition est de 0,05 mg/m3. La teneur limite des eaux de consommation est, en chrome total, de 50 microgrammes/L.