L’acide phosphorique est préparé à partir de phosphates naturels, par attaque à l’acide sulfurique. Il est principalement destiné à la fabrication d’engrais phosphatés.
Formule | Masse molaire | Structure cristalline |
H3PO4 | 98,00 g.mol-1 | monoclinique |
Masse volumique | Température de fusion | Température d’ébullition (décomposition) | Solubilité dans l’eau froide |
1,834 g.cm-3 | 42,35°C | 213°C | 548 g/100 g d’eau |
pKa : H3PO4/H2PO4– | pKa : H2PO4–/HPO42- |
pKa : HPO42-/PO43- |
pKs : Ag3PO4 | pKs : Ca3(PO4)2 | pKs : Pb3(PO4)2 |
2,12 | 7,2 | 12,37 | 16 | 26 | 42,1 |
Potentiels standards :
H3PO4 + 2H+ + 2e = H3PO3 + H2O | E° = -0,28 V |
PO43- + 2H2O + 2e = HPO32- + 3OH– | E° = -1,12 V |
H3PO3 + 2H+ + 2e = H3PO2 + H2O | E° = -0,50 V |
HPO32- + 2H2O + 2e = H2PO2– + 3OH– | E° = -1,57 V |
H3PO2 + H+ + e = 1/4P4(s) + 2H2O | E° = -0,51 V |
H2PO2– + e = 1/2P4(s) + 2OH– | E° = -2,05 V |
Acide phosphorique cristallisé :
|
Acide phosphorique liquide :
|
Les statistiques concernant l’acide phosphorique H3PO4 et les divers phosphates élaborés à partir de l’acide sont exprimées en P2O5, sachant qu’une tonne de H3PO4 à 100 % correspond à 0,725 t de P2O5.
Voir le chapitre concernant les engrais phosphatés.
Principaux minerais : ce sont des phosphates calciques naturels, principalement des fluorapatites de formule Ca10(PO4)6F2. 80 % des apatites extraites dans le monde sont utilisées pour fabriquer H3PO4. Le minerai marchand a une concentration comprise entre 26 et 34 % en P2O5. Pour plus de précisions voir le chapitre sur les engrais phosphatés.
Production minière de phosphates, en 2019. Monde : 240 millions de t, Union européenne (Finlande) : 1 million de t.
Chine | 110 000 | Vietnam | 5 500 | |
Maroc | 36 000 | Brésil | 5 300 | |
États-Unis | 23 000 | Égypte | 5 000 | |
Russie | 14 000 | Pérou | 3 700 | |
Jordanie | 8 000 | Israël | 3 500 | |
Arabie Saoudite | 6 200 | Tunisie | 3 000 |
Hors Chine, la capacité mondiale de production est de 147 millions de t/an. La production chinoise ne serait que de 80 à 85 millions de t au lieu des 140 millions de t annoncées officiellement par les autorités.
Après la mise en production en Arabie Saoudite du complexe de Waad Al Shammal alimenté par la mine de Al Khabra, exploité par Saudi Arabian Mining (Ma’aden), en association avec Mosaic à 25 % et Sabic à 15 %, la capacité de production du pays a été portée pour 2019, de 5 millions de t/an à 10,5 millions de t/an.
La seule mine de phosphates en activité dans l’Union européenne, exploitée par Yara, est située en Finlande, à Siilinjärvi. Sa production, en 2018, a été de 989 000 t.
Réserves, en 2019. Monde : 69 000 millions de t.
Maroc | 50 000 | Afrique du Sud | 1 400 | |
Chine | 3 200 | Égypte | 1 300 | |
Algérie | 2 200 | Australie | 1 200 | |
Syrie | 1 800 | Jordanie | 1 000 | |
Brésil | 1 700 | États-Unis | 1 000 |
Source : USGS
Commerce international : en 2019.
Principaux pays exportateurs : sur un total de 27,126 millions de t, en 2018.
Maroc | 9 495 | Togo | 1 037 | |
Jordanie | 4 179 | Kazakhstan | 623 | |
Égypte | 3 074 | Sénégal | 587 | |
Russie | 2 558 | Pérou | 447 | |
Algérie | 1 136 | Afrique du Sud | 437 |
Source : ITC
Les exportations du Maroc sont principalement destinées à l’Inde à 21 %, au Mexique à 18 %, au Brésil à 10 %.
Principaux pays importateurs :
Inde | 7 388 | Pologne | 1 364 | |
Brésil | 2 369 | Turquie | 1 031 | |
États-Unis | 2 168 | Belgique | 908 | |
Mexique | 1 817 | Serbie | 663 | |
Indonésie | 1 757 | Biélorussie | 605 |
Source : ITC
Les importations de l’Inde proviennent principalement de Jordanie à 39 %, du Maroc à 27 %, d’Égypte à 18 %.
Matière première nécessaire à la fabrication de l’acide phosphorique : le soufre qui donne l’acide sulfurique.
Principalement par voie humide par attaque du phosphate naturel par l’acide sulfurique, à 80°C, selon la réaction :
Ca10(PO4)6F2 + 10 H2SO4 + 10x H2O = 6 H3PO4 + 10 CaSO4,xH2O + 2 HF
avec x = 0,5 pour l’obtention de l’hémihydrate et x = 2 pour l’obtention du dihydrate.
On obtient 2 phases principales : liquide (solution de H3PO4) et solide (sulfate de calcium appelé phosphogypse). Les rendements par rapport au phosphate sont de 90 à 98,5 %. Les rendements supérieurs ou égaux à 98 % sont obtenus par un procédé de recristallisation de l’hémi ou du dihydrate avec double filtration.
L’acide fluorhydrique réagit, en partie, avec la silice présente dans le minerai pour donner de l’acide fluosilicique (H2SiF6), le reste est fixé pour éviter son rejet dans l’atmosphère. L’acide fluosilicique est utilisé pour produire des fluosilicates et des fluorures. Chaque semaine, les unités de production doivent être arrêtées pendant environ 16 h pour éliminer, par lavage à l’eau, l’acide fluosilicique et les fluosilicates déposés dans les installations.
La capacité des unités de production est de 600 à 1000 t P2O5/jour.
On distingue deux procédés (dihydrate et hémihydrate) selon l’état d’hydratation du sulfate de calcium CaSO4.
Procédé dihydrate : c’est le procédé le plus courant (Rhône-Poulenc, Prayon, Nissan, Mitsubishi). La moitié des sites de production utilise la technologie Prayon.
Après broyage du phosphate naturel, celui-ci est attaqué par l’acide sulfurique concentré (à 98,5 %), en présence d’eau. Une filtration à l’aide d’un filtre rotatif permet de séparer l’acide phosphorique (contenant en moyenne 29 % de P2O5) du phosphogypse. L’acide phosphorique est ensuite concentré par évaporation de l’eau afin d’obtenir un acide à 54 % de P2O5, soit un acide à 75 % de H3PO4.
Ce procédé présente l’inconvénient de produire un acide relativement peu concentré (de 26 à 32 % de P2O5) qui nécessite une importante consommation d’énergie pour sa concentration par évaporation d’eau. Le rendement par rapport au phosphate est de 94 à 96 %, une partie du phosphate co-cristallisant avec le sulfate de calcium qui contient jusqu’à 0,75 % de P2O5.
Procédé hémihydrate : donne directement de l’acide à plus de 40 % de P2O5 et ne nécessite pas de broyage préalable du minerai, mais le procédé est plus délicat à maîtriser. Par ailleurs, le rendement est plus faible, de 90 à 94 % par rapport au phosphate, l’hémihydrate contenant jusqu’à 1,1 % de P2O5.
Problème du phosphogypse coproduit :
Consommations : pour une tonne de P2O5 produit sous forme d’acide à 54 % de P2O5.
Phosphate | 2,6 à 3,5 t | Électricité | 120 à 180 kWh | |
H2SO4 à 100 % | 2,4 à 2,9 t | Vapeur | 1,9 à 2,4 t |
Coûts de fabrication : par exemple, pour Potash Corp, en 2014, le minerai de phosphate représente 29 % des coût de production, le soufre, 25 %.
Voie thermique : l’acide phosphorique très pur destiné au traitement de surfaces métalliques, à la microélectronique ou à l’acidification des boissons peut être élaboré par voie thermique par réduction du phosphate naturel, en présence de coke et de silice, au four électrique vers 1200-1500°C selon la réaction :
4 Ca5(PO4)3F + 18 SiO2 + 30 C = 3 P4 + 30 CO + 18 CaSiO3 + 2 CaF2
Les consommations, pour 1 t de P2O5 à 100 %, sont de 3,9 t de phosphate à 29 % de P2O5, 1,3 t de silice, 0,6 t de coke et de 13 000 à 15 000 kWh d’électricité.
Le phosphore obtenu sous forme de vapeur est condensé sous eau pour obtenir du phosphore blanc qui est ensuite oxydé en P2O5 puis hydraté en acide. Cette voie qui donne un acide de très haute pureté est peu à peu abandonnée au profit de la voie humide suivie d’une purification par extraction liquide-liquide. En 2007, en Europe, 95 % de la production d’acide était assuré par la voie humide.
En Europe, production par Lanxess, en France, à Epierre (73) qui a repris, en septembre 2013, l’usine du groupe néerlandais ThermPhos International, Fosfa, en République tchèque avec 50 000 t/an, Alventa, à Alwernia, en Pologne, avec 40 000 t/an. Par ailleurs, Febex, société de CECA, filiale d’Arkema, produit selon cette voie, de l’acide ultra pur, à Bex, en Suisse et à Shanghai, en Chine.
Conditionnement : livré en solutions à 54 % de P2O5 soit des solutions aqueuses d’acide à 75 %, dans des cuves revêtues d’élastomères.
En 2019. Monde : 47,318 millions de t de P2O5, Union européenne : 3,645 millions de t de P2O5.
Asie de l’Est (Chine…) | 18 130 | Amérique Latine (Brésil…) | 1 649 | |
Afrique (Maroc, Tunisie, Afrique du Sud…) | 8 381 | Asie du Sud (Inde…) | 1 631 | |
Amérique du Nord (États-Unis…) | 7 169 | Europe de l’Ouest | 474 | |
Europe de l’Est et Asie Centrale (Russie…) | 4 670 | Océanie | 314 | |
Proche Orient (Arabie Saoudite, Israël, Jordanie…) | 4 598 | Europe Centrale | 296 |
En 2017, la capacité mondiale annuelle de production d’acide phosphorique est de 61,1 millions de t exprimées en P2O5, celle des États-Unis de 8,5 millions de t, celle du Maroc de 6,1 millions de t.
Les principaux pays producteurs sont, en ordre décroissant : la Chine, les États-Unis, le Maroc (6,1 millions de t de P2O5, en 2018), la Russie, la Tunisie, l’Inde, le Brésil, l’Afrique du Sud, Israël, la Jordanie…
Aux États-Unis, en 2019, il y a 9 usines de production d’acide phosphorique, avec une capacité de production de 7,379 millions de t de P2O5/an (elles étaient au nombre de 20, en 2000, avec une capacité de production de 12,3 millions de t de P2O5/an) : 4 sont exploitées par Mosaic avec 59 % des capacités de production, 2 par Nutrien avec 23 % des capacités, 2 par Simplot, à Rock Springs dans le Wyoming et Pocatello dans l’Idaho, avec 12 % des capacités, 1 par Itafos, à Conda dans l’Idaho, avec 5 % des capacités.
Dans l’Union européenne, en 2019, la production d’acide phosphorique de la Finlande est de 696 696 t exprimées en P2O5, celle de la Lituanie est de 466 190 t exprimées en P2O5, celle de l’Allemagne de 20 375 t. La production belge est confidentielle.
Évolution de la production : les phosphates naturels, produits pondéreux à environ 30 % de P2O5 ont pendant longtemps été importés et traités dans les pays consommateurs d’engrais, en particulier la France, afin de produire les divers engrais phosphatés. Cela n’est plus le cas actuellement, les pays producteurs valorisant en grande partie leurs ressources en produisant eux-même les produits dérivés. Ceux-ci exportent directement de l’acide phosphorique à 75 % (54 % de P2O5), du superphosphate triple (46 % de P2O5) ou du phosphate d’ammonium. La part prise, dans la production et le marché de l’acide phosphorique et des engrais phosphatés, par le Maroc et la Tunisie est de plus en plus importante (l’Afrique représente 54 % du total des exportations d’acide phosphorique, en 2018). Les productions de l’Union européenne et de la France (qui était en 1990 le 1er producteur de la CEE) sont en diminution constante ou ont disparu. De 1980 à 1992, alors que les capacités mondiales annuelles sont passées de 29 à 34,4 millions de t, celles de la France ont chuté de 1,1 à 0,21 million de t pour devenir nulles en 2004.
Commerce international : en 2019.
Principaux pays exportateurs :
Maroc | 2 092 | Belgique | 280 | |
Jordanie | 667 | Tunisie | 267 | |
Chine | 537 | Afrique du Sud | 175 | |
Sénégal | 518 | Pays Bas | 145 | |
États-Unis | 499 | Finlande | 126 |
Source : ITC
Les exportations du Maroc sont principalement destinées à l’Inde à 45 %, au Pakistan à 20 %, à la Turquie à 8 %.
Principaux pays importateurs : sur un total de 6,134 millions de t.
Inde | 2 692 | Allemagne | 265 | |
Pays Bas | 390 | Pakistan | 224 | |
Belgique | 315 | France | 222 | |
États-Unis | 288 | Brésil | 197 | |
Espagne | 284 | Canada | 125 |
Source : ITC
Les importations de l’Inde proviennent principalement du Maroc à 39 %, de Jordanie à 23 %, du Sénégal à 20 %.
Les importations de l’Union européenne ont été, en 2019, de 722 644 t de P2O5 sous forme d’acide phosphorique avec des exportations de 82 870 t.
Producteurs : les principaux producteurs sont les producteurs d’engrais phosphatés.
En Europe, principaux producteurs :
En 2019.
Production : arrêt, en 2004, de la dernière usine française de production d’acide phosphorique, celle de Grand Quevilly.
Commerce extérieur :
Les exportations, exprimées en P2O5 étaient de 2 824 t avec comme principaux marchés à :
Les importations, exprimées en P2O5 s’élevaient à 132 923 t en provenance principalement à :
L’acide importé sert principalement à la production de phosphates alimentaires, en particulier par Prayon dans son usine des Roches de Condrieu à Saint Clair du Rhône (38).
Consommations : en 2019. Monde : 47,318 millions de t de P2O5, Union européenne : 1,978 million de t de P2O5.
Asie de l’Est (Chine…) | 18 003 | Proche Orient | 4 052 | |
Amérique du Nord (États-Unis) | 7 069 | Amérique Latine | 1 789 | |
Afrique (Maroc…) | 5 519 | Europe de l’Ouest | 1 037 | |
Europe de l’Est et Asie Centrale | 4 677 | Océanie | 324 | |
Asie du Sud (Inde…) | 4 581 | Europe Centrale | 317 |
La consommation de la Chine représente, en 2015, 39 % de la consommation mondiale.
L’acide phosphorique est principalement directement consommé par les producteurs d’engrais.
Secteurs d’utilisation : dans le monde, en 2014.
DAP | 38 % | Autres engrais | 15 % | |
MAP | 29 % | Agroalimentaire et industrie | 5 % | |
TSP | 8 % | Alimentation animale | 5 % |
DAP : phosphate d’ammonium diammonique (NH4)2HPO4, MAP : phosphate d’ammonium monoammonique NH4H2PO4, TSP : superphosphate triple à 46 % de P2O5.
90 % des utilisations concerne l’industrie des engrais. Les autres utilisations nécessitent, en général, une purification de l’acide ou son obtention par voie thermique.
Utilisations diverses :
2 Na2HPO4 + NaH2PO4 = Na5P3O10 + 2 H2O
L’hydrogéno et le dihydrogéno phosphate de sodium sont préparés par neutralisation de solution de H3PO4 par NaOH ou Na2CO3 (voir ci-dessous).
En 2015, la production mondiale est de plus de 3 millions de t dont, en 2018, 144 915 t exprimées en P2O5 dans l’Union européenne.
Afin de lutter contre l’eutrophisation des lacs, des rivières et des zones côtières qui se traduit par une prolifération anormale d’algues (voir le chapitre pollution des eaux) son utilisation est interdite dans les laves-linge, en France, depuis le 1er juillet 2007 et dans les laves-vaisselle depuis le 1er janvier 2017, en lien avec un règlement européen qui limite son utilisation à 0,3 g de phosphore par cycle de lavage.
Phosphates alimentaires : ce sont des phosphates de sodium, de potassium ou de calcium.
Ils sont élaborés, pour les phosphates de sodium, par neutralisation par NaOH ou Na2CO3 d’acide phosphorique de haute pureté. Si l’acide est obtenu par voie humide, il est purifié par extraction liquide-liquide à l’aide de tributylphosphate ou de divers autres solvants : méthylisobutylcétone, éther isopropylique et tributylphosphate, isopropanol, éther isopropylique. Un entraînement à la vapeur permet de défluorer l’acide.
En jouant sur le rapport molaire Na/P et la température de neutralisation, on obtient les différents phosphates de sodium.
Conditions de fabrication des phosphates de sodium (certains peuvent être hydratés) :
Phosphates | Formule | Rapport molaire Na/P |
Température (°C) |
Monosodique | NaH2PO4 | 1 | 25 à 100 |
Pyrophosphate acide | Na2H2P2O7 | 1 | < 270 |
Métaphosphate | (NaPO3)n | 1 | 600 à900 |
Pentapolyphosphate | Na7P5O16 | 1,4 | 750 |
Tripolyphosphate | Na5P3O10 | 1,66 | 400 à 500 |
Disodique | Na2HPO4 | 2 | 35 à 100 |
Pyrophosphate neutre | Na4P2O7 | 2 | 400 à 500 |
Trisodique | Na3PO4 | 3 | 25 à 100 |
En 2018, la production des phosphates de sodium mono et disodiques, dans l’Union européenne, a été de 115 094 t. Celle d’hydrogénophosphate de calcium de 180 101 t.
Utilisations : ces phosphates sont, pour la plupart, très hygroscopiques et ont donc un fort pouvoir de rétention de l’eau. Ils ont aussi des qualités antibactériennes. Ils sont employés :