Le premier polymère fluoré, le polytétrafluoroéthylène (PTFE), dont le nom commercial est Teflon®, est découvert le 6 avril 1938 par l’équipe du Dr Roy J. Plunkett, dans un laboratoire de la société Du Pont de Nemours. Cette équipe, qui travaillait sur le fluide frigorigène Freon® (dichlorofluorométhane, fluorochlorométhane), découvre qu’un échantillon s’est spontanément polymérisé en un solide blanc et cireux. Ce nouveau matériau présente une résistance à pratiquement tous les produits chimiques ou solvants connus, sa surface est tellement glissante que presque aucune substance ne peut y adhérer. Depuis, de nombreux autres polymères fluorés ont été découverts.
Données industrielles
Les principales résines fluorocarbonées sont :
- De type 1, dans lesquelles tous les atomes d’hydrogène sont remplacés par des atomes de fluor : il s’agit du PTFE (polytétrafluoroéthylène), du FEP (copolymère de tétrafluoroéthylène et d’hexafluoropropylène), du PFA (copolymère de tétrafluoroéthylène et de perfluoroalkoxy), du MFA (copolymère de tétrafluoroéthylène et de perfluorométhylvinyléther) qui sont souvent appelés Teflon® du nom de la marque déposée par Du Pont de Nemours pour l’ensemble des résines, films et produits fluorocarbonés fabriqués par cette société.
- De type 2, dans lesquelles, la substitution est partielle : il s’agit du PVDF (polyfluorovinylidène), du ETFE (copolymère modifié d’éthylène et de tétrafluoroéthylène), du ECTFE (copolymère d’éthylène et de chlorotrifluoréthylène) et du THV (terpolymère de tétrafluoroéthylène, d’hexafluoropropylène et de fluorure de vinylidène).
Matière première principale : le tétrafluoroéthylène.
Fabrication industrielle
Le tétrafluoroéthylène est préparé selon les réactions suivantes :
Le chloroforme CHCl3 est obtenu par chlorations successives du méthane à 5 bar et 320°C, ou du méthanol, voir le chapitre chloroforme.
Le fluorure d’hydrogène est préparé à partir de fluorine (CaF2) et d’acide sulfurique, voir ces chapitres.
Le chlorodifluorométhane, produit intermédiaire dans la formation du tétrafluoroéthylène, est dénommé également HCFC22, R22 ou freon®22. Utilisé également comme fluide réfrigérant dans les appareils de climatisation il est concerné par le Protocole de Montréal de protection de la couche d’ozone. C’est par ailleurs un puissant gaz à effet de serre, son potentiel de réchauffement global étant 1810 fois celui du CO2. Son emploi dans les appareils neufs est interdit dans l’Union européenne depuis le 30 juin 2004.
Le tétrafluoroéthylène est ensuite polymérisé :
Historique (pour la société Du Pont) :
Le premier polymère fluoré, le PTFE, appelé Teflon®, est découvert le 6 avril 1938 au laboratoire Jackson de Du Pont de Nemours, dans le New Jersey. Ce jour là, l’équipe du Dr Roy J. Plunkett qui travaille sur le fluide frigorigène Freon® (dichlorofluorométhane, fluorochlorométhane), découvre qu’un échantillon s’est spontanément polymérisé en un solide blanc et cireux. Ce nouveau matériau présente une résistance à pratiquement tous les produits chimiques ou solvants connus, sa surface est tellement glissante que presque aucune substance ne peut y adhérer. Il ne gonfle pas sous l’effet de l’humidité et il ne se dégrade pas ou ne se fragilise pas après une exposition prolongée à la lumière du soleil. Son point de fusion est de 327°C et contrairement aux thermoplastiques classiques (polyéthylène, polypropylène, PVC qui peuvent être injectés) son modelage nécessite d’avoir recours aux procédés de frittage.
Les PTFE sont linéaires avec ou sans chaînes latérales. Par exemple le Teflon® 62 présente des chaînes latérales -O-C3F7. Ces ramifications ont pour effet de diminuer la cristallinité et par conséquent de diminuer l’anisotropie des propriétés mécaniques.
- En 1960, Du Pont de Nemours commercialise le Teflon® FEP (éthylène-propylène fluoré, copolymère de tétrafluoroéthylène et de tétrafluoropropylène) qui peut être mis en œuvre à l’état fondu.
- En 1960, Walther Grot dans les laboratoires de Du Pont de Nemours découvre le Nafion® copolymère de tétrafluoroéthylène et d’acide perfluorosulfonique (CF2=CFOCF2CF(CF3)OCF2CF2SO3H). C’est le premier polymère conducteur ionique (ionomère).
- En 1970, Du Pont de Nemours commercialise le polymère fluoré Tefzel®, copolymère modifié d’éthylène et de tétrafluoroéthylène (ETFE) qui présente une meilleure résistance à la rupture en traction.
- En 1972, Du Pont de Nemours commercialise le Teflon® PFA (perfluoroalkoxy, copolymère de tétrafluoroéthylène et de vinyl éther perfluoré) doté d’excellentes qualités de mise en œuvre et de caractéristiques équivalentes à celles du PTFE.
- En 1989, Du Pont de Nemours commercialise le Teflon® AF qui est amorphe avec une température de fusion de 300°C.
Autres types de résines fluorocarbonées :
- Le PVDF (polyfluorovinylidène [-CH2-CF2-]n) qui présente une grande facilité de mise en forme mécanique.
- L’ECTFE (copolymère éthylène/chlorotrifluoroéthylène), destiné à l’isolation des câbles.
Propriétés principales des résines fluorocarbonées :
- Résistance vis à vis de pratiquement tous les produits chimiques. Cette propriété est due d’une part à la force de la liaison C-F (484 kJ/mol comparés aux 412 kJ/mol de la liaison C-H) et d’autre part au fait que la chaîne polyéthylénique est « enrobée » dans une gangue d’atomes de fluor qui la protège. Par exemple, le Téflon® PFA, immergé pendant sept jours dans l’eau régale à 120°C subit une modification de ses propriétés physiques (traction, allongement) de l’ordre de 1 % seulement.
- Températures d’utilisation élevées. Elles vont de 155°C pour le Tefzel® à 260°C pour le Téflon® PTFE pour les utilisations permanentes et peuvent être augmentée dans le cadre d’utilisations plus brèves. Ces produits ne commencent à se dégrader que vers 400-500°C.
- Faible coefficient de frottement.
- Excellentes propriétés diélectriques.
Points de fusion et températures maxima d’utilisation continue et de transformation des polymères fluorés :
Type de Polymère |
Point de fusion caractéristique (°C) |
Température maximum de service en cas d’utilisation continue (°C) |
Température
de transformation (°C) |
PTFE |
340 |
260 |
380 |
PFA |
265-310 |
225-260 |
360-380 |
FEP |
250-270 |
205 |
360 |
ETFE |
210-270 |
150 |
310 |
ETFE/ECTFE |
230 |
150 |
280 |
PVDF |
160 |
140 |
230 |
THV |
110-230 |
70-130 |
200-270 |
Productions
La production mondiale de polymères fluorés est d’environ 350 000 t/an, avec des capacités, en 2018, de 468 000 t/an, le PTFE représentant 53 % de la production. La Chine est le premier producteur. La production de l’Union européenne est, en 2019, de 153 351 t de polymères fluorés dont 24 363 t pour la France, 22 522 t pour l’Italie. Les productions allemandes, belges et des Pays Bas sont confidentielles.
Répartition de la consommation des polymères fluorés, en 2018.
en %
PTFE |
53 % |
|
PFA/MFA |
1 % |
PVDF |
16 % |
|
ETFE |
>1 % |
FEP |
9 % |
|
ECTFE |
>1 % |
PVF |
2 % |
|
Autres |
17 % |
Source : IHS Markit
Commerce international : en 2019.
PTFE :
Principaux pays exportateurs, sur un total de 109 282 t :
en tonnes
Chine |
21 535 |
|
Italie |
10 143 |
Arabie Saoudite |
15 057 |
|
Allemagne |
10 010 |
Inde |
11 528 |
|
Pays Bas |
7 535 |
États-Unis |
10 284 |
|
Russie |
6 511 |
Source : ITC
Les exportations chinoises sont destinées à 20 % à la Corée du Sud, 17 % à l’Italie, 8 % au Japon.
Principaux pays importateurs :
en tonnes
États-Unis |
15 567 |
|
Corée du Sud |
6 621 |
Italie |
11 748 |
|
Chine |
6 413 |
Allemagne |
9 390 |
|
Belgique |
4 477 |
Algérie |
7 606 |
|
Japon |
3 448 |
Source : ITC
Les importations des États-Unis proviennent à 29 % d’Inde, 16 % d’Allemagne, 13 % d’Italie, 9 % de Russie.
PVDF :
Principaux pays exportateurs sur un total de 38 937 t :
en tonnes
Belgique |
14 928 |
|
Pays Bas |
1 648 |
Japon |
12 118 |
|
Allemagne |
1 505 |
États-Unis |
2 844 |
|
Italie |
1 574 |
Source : ITC
Les exportations belges sont destinées à 59 % aux États-Unis, 18 % à la Chine, 12 % au Brésil, 5 % à l’Argentine.
Principaux pays importateurs :
en tonnes
France |
22 309 |
|
Allemagne |
11 239 |
Belgique |
17 244 |
|
Suisse |
8 901 |
États-Unis |
11 849 |
|
Inde |
7 244 |
Source : ITC
Les importations françaises proviennent à 46 % des Pays Bas, 27 % de Belgique, 14 % d’Allemagne.
Producteurs : en % de parts de capacités mondiales, en 2018 :
- Dongyue Group (Chine) produit du PTFE, en Chine.
- Chemours (États-Unis) société issue, le 1er juillet 2015, du groupe Du Pont, produit du PTFE, du PFA, du FEP et du ETFE, aux États-Unis à Parkersburg, en Virginie Occidentale et Circleville, dans l’Ohio, aux Pays Bas à Dordrecht, au Japon à Shimizu et en Chine à Changshu.
- Daikin (Japon), produit du PTFE, du PFA, du FEP, de l’ETFE, du ECTFE, au Japon à Kashima, aux États-Unis à Decatur, dans l’Alabama, en Chine à Changshu.
- Solvay (Belgique) produit du PVDF en France à Tavaux (39), du PTFE, aux États-Unis à Marshallton, dans le Delaware et en Chine à Changshu, ainsi que du PFA, MFA et ECTFE.
- Arkema (France) produit du PVDF et du ECTFE, en France à Pierre Bénite (69), aux États-Unis à Calvert City, dans le Kentucky et en Chine à Changshu. C’est le n°1 mondial pour la production de PVDF, avec une part de marché de 40 %.
- 3M, produit du PTFE, du PFA, du FEP, du PVDF et de l’ETFE, aux États-Unis à Decatur, dans l’Alabama, en Allemagne à Gendorf, en Belgique à Anvers, en Chine à Shanghaï, en Inde à Bangalore, au Japon à Sagamahara, en association avec Sumitomo.
- AGC Chemical, filiale d’Asahi Glass (Japon), produit de l’ETFE, du FEP et du PFA, au Japon à Kashima et Chiba et au Royaume Uni à Thornton Cleveley, du PTFE, aux États-Unis à Thorndale, en Pennsylvanie. C’est le principal producteur mondial d’ETFE, avec 60 % du marché.
- HaloPolymeres (Russie) produit du PTFE en Russie à Kirovo-Chepetsk avec 7 000 t/an.
- Gujarat Fluorochemicals (Inde), produit du PTFE, avec 16 000 t/an, en Inde à Dahej et aux États-Unis à Rockdale, au Texas.
- Kureha (Japon), produit du PVDF à Iwaki, au Japon et en Chine.
Recyclage
En Europe de l’Ouest la demande en PTFE recyclé représente 10 % de celle en PTFE vierge. Selon les applications le potentiel de recyclage va de 15 % à 40 %. Les utilisations particulières du PTFE font que celui-ci ne se retrouve qu’en faible proportion dans les déchets urbains.
Lors de l’incinération de ceux-ci la présence de produits fluorés entraîne la formation de HF. On a en moyenne 200 mg de fluor par tonne de déchets. Pendant l’incinération, qui doit être réalisée dans des incinérateurs spéciaux fonctionnant à plus de 800°C, la majeure partie de ce fluor est convertie en gaz ce qui donne, environ, une production de 10 mg de HF/m3 qui sont ramenés en dessous de la limite stricte de 2 mg/m3 par fixation sur des composés basiques (voir le chapitre oxyde de calcium).
Situation française
En 2019.
Production : de polymères fluorés : 24 363 t.
Producteurs :
- Production de PVDF par Arkema à Pierre-Bénite (69).
- Production de PVDF par Solvay à Tavaux (39).
Commerce extérieur :
PTFE :
- Exportations : 244 t, vers les Pays Bas à 41 %, la Chine à 20 %, l’Espagne à 12 %, le Brésil à 5 %.
- Importations : 3 230 t d’Allemagne à 44 %, d’Italie à 15 %, des Pays Bas à 14 %, la Chine à 9 %.
Autres polymères fluorés :
- Exportations : confidentielles.
- Importations : 2 283 t des États-Unis à 24 %, de Suisse à 16 %, de Chine à 13 %, d’Allemagne à 7 %.
Utilisations
Consommations :
En 2018, la consommation mondiale de polymères fluorés est de 320 300 t.
En 2018, la consommation de PTFE est de 171 200 t à 40,5 % en Chine, 19,7 % en Europe de l’Ouest, 15,9 % aux États-Unis, 5,3 % au Japon.
Secteurs d’utilisation, en 2015, dans l’Union européenne :
en %
Transport |
36 % |
|
Pharmacie, alimentation |
6 % |
Chimie, énergie |
22 % |
|
Textiles, architecture |
6 % |
Ustensiles de cuisine |
7 % |
|
Médecine |
3 % |
Électronique |
7 % |
|
Énergie renouvelable |
1 % |
Source : Plastics Europe
Utilisations diverses :
Grâce à ses propriétés le PTFE trouve de nombreuses applications, aussi bien dans l’industrie que pour les emplois domestiques.
- Mécanique, automobile, aviation : il sert à fabriquer des mécanismes qui n’ont pas besoin d’être lubrifiés ainsi que des joints, il intervient dans l’isolement des accessoires de direction assistée, dans les transmissions automatiques et les absorbeurs de chocs, dans les câbles de commande des freins, il sert à la fabrication de joints résistant au kérosène et aux lubrifiants, de tuyauteries de pression et de parties du moteur. Une automobile européenne de type moyen en contient environ 100 g.
- Industrie, construction, électricité : on le trouve dans le revêtement intérieur des tuyauteries, dans des pompes destinées aux industries chimiques, pharmaceutiques et alimentaires, dans le revêtement des fibres de verre tissées, dans les isolants pour les câbles et les fils. Le PVDF est utilisé dans des revêtements métalliques architecturaux, par exemple pour la pyramide du Louvre, dans la protection arrière des panneaux photovoltaïques. Le Nafion® est employé comme membrane séparant les compartiments anodiques et cathodiques lors de l’électrolyse des solutions de chlorure de sodium pour produire du dichlore et de l’hydroxyde de sodium ainsi que dans des piles à combustibles.
- Protection de l’environnement : on le retrouve au sein des procédés de recyclage (désulfuration des gaz issus des centrales thermiques, filtres à poussières dans les procédés industriels…).
- Médecine : on le trouve dans les implants (ligaments artificiels, cœurs artificiels et soins des brûlures) ainsi que dans divers ustensiles (cathéters, tubes capillaires, seringues hypodermiques).
- Le sport et les loisirs : il sert dans les membranes textiles destinées à l’habillement, comme composant dans les fixations de ski. On en trouve environ 20 g dans un anorak. Le tissu Gore-Tex® est obtenu par collage d’un textile sur une membrane en Teflon® expansé et présente une protection contre les intempéries tout en laissant échapper la vapeur d’eau émise par le corps.
- Utilisations domestiques : on en trouve dans les revêtements antiadhésifs pour poêles à frire (environ 4 g), pour fer à repasser. C’est l’ingénieur français Marc Grégoire qui a mis au point, en 1954, un procédé pour accrocher le PTFE sur de l’aluminium, basé sur l’attaque de l’aluminium par l’acide chlorhydrique en vue de créer des cavités pour fixer le polymère. En 1956, il fonde la société Tefal, appartenant depuis 1968 au groupe Seb.
Autres utilisations :
- Prévention de la corrosion. Le Téflon® protège de la corrosion la Statue de la Liberté après sa dernière restauration. En effet, aux endroits où l’épiderme en cuivre vient au contact des structures en acier, la corrosion a fortement affaibli celles-ci. Afin d’empêcher la réaction galvanique, les nouvelles structures ont été enveloppées d’un ruban enduit de Téflon® qui sépare les deux métaux. Ceci permet en outre une « lubrification » lors de la « respiration » de l’édifice lors de sa dilatation.
- Peu après sa découverte, le PTFE servit à la conception de la première bombe atomique car il était la seule matière plastique capable de résister à l’extrême corrosivité de l’hexafluorure d’uranium.
- Le PVDF entre dans la fabrication de batteries lithium-ion comme liant, comme membrane de nanofiltration pour le traitement de l’eau potable.
- L’ECTFE, est utilisé comme film protecteur ultra résistant pour les faces avant des cellules photovoltaïques.
Bibliographie
- Plastics Europe France, 14 rue de la République, 92800 Puteaux.
- Plastics Europe, Avenue E. Van Nieuwenhuyse 4, B-1160 Bruxelles, Belgique.
- H. Teng, « Overview of the development of the fluoropolymer industry« , Appl. Sci., 2012, 2, p 96-512.
- P. R. Resnick, « A short history of Nafion®« , L’Actualité Chimique, n°301-302, oct-nov. 2006, p 144-147.
- Sciences et Avenir, février 1994.
- J. Gardiner, « Fluoropolymers : origin, production and industrial and commercial applications« , Aust. J. Chem., 2015, 68, 13-22.
Matières plastiques
Les matières plastiques sont des matériaux obtenus par polymérisation de composés (éthylène, propylène, styrène...) issus principalement du vapocraquage d'hydrocarbures eux-même provenant de la distillation du pétrole. Il en existe de très nombreux types qui se présentent sous des formes variées. Leur production a connu un développement considérable à partir de la deuxième partie du XXème siècle.
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